Je viens de terminer la lecture du dernier roman d'Alexandre Najjar, "Kadicha" (éd. PLON, 2011). Captivant, facile à lire. Très intéressant du point de vue historique, et assez bien recherché si l'on en croit la bibliographie. J'ai grandi chez mes grands-parents maternels à Bécharré. Il était donc évident que lorsque l'auteur décrit la nature superbement belle de la Kadicha, ou vallée sainte, j'en viens à presque sentir l'odeur des guimauves (p.133). Je me rappelle les campanules qu'enfants nous ceuillions pour ramener à nos mamans, tantes et grands-tantes qui s'empressaient de rassembler les bouquets champêtres que nos petites mains avaient arrangés à la hâte pour les mettre devant la statuette de la Sainte Vierge de Saydnaya.
J'ai lu et relu certains passages descriptifs de la nature de la Kadisha ainsi que des villages et endroits avoisinants. Certaines phrases ou locutions ont eu le don de me transporter vers mon enfance, heureuse, malgré les tirs d'obus qui déchiraient ma patrie en ce temps-là. [Née en 1978, je suis une "enfant de la guerre" dont l'enfance a été ponctuée de combats et de trèves]. Nous avons vécu des moments pénibles (notre maison à Beyrouth a été bombardée à plusieurs reprises) mais je préfère me rappeler les jours lumineux que nous passions à gambader dans les prés, à cueillir des myrtilles et à observer les sauterelles et la nature. Un des passages qui m'a spécialement fait vibrer est une retranscription d'un texte de Gibran, originaire du village de ma mère: "Votre Liban est une partie d'échecs entre un chef religieux et un chef militaire. Mon Liban est un temple que je visite dans mon esprit, lorsque mon regard se lasse du visage de cette civilisation qui avance sur des roues [que diriez-vous mon cher Gibran si vous deviez subir la vitesse à laquelle tout se (dé)fait de nos jours?]... Votre Liban est un pays de communautés et de partis. Mon Liban est fait de garçons qui gravissent les rochers et courent avec les ruisseaux [en effet, que de fois sommes-nous revenus soigner nos bobos auprès de nos mamans angoissées de nous voir apparaître en fin d'après-midi les genoux et les bras égratignés ou pire plein de sang coagulé parce que nous n'avions pas voulu interrompre notre partie de jeu pour rentrer faire désinfecter nos plaies!]. Votre Liban est un pays de discours et de débats. Mon Liban est gazouillement de merles, frissonnement de chênes et de peupliers. Il est écho de flûtes dans les grottes et les cavernes..." (p.212) Bref, j'ai lu "Kadicha" d'une traite et je pense que je le relirais plus d'une fois, moins pour l'histoire de Sami et Florence que pour l'itinéraire et les découvertes historiques et autres des deux amoureux tout au long de ce roman.
Revue écrite le 27.12.2011