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Une Pintade n'est ni une poule ni une dinde et certainement pas une bécasse, mais le symbole de la femme d'aujourd'hui, sérieuse et frivole à la fois!

La définition annonce bien le genre de littérature qui nous attend. Muriel Rozelier nous décrit les Libanaises d'une manière piquante, voire crue en s'attardant sur le fait que la réalité est toujours plus complexe qu'elle ne le paraît. Toujours est-il que l'auteur, bien qu'elle s'efforça de présenter les choses aussi objectivement que possible, peine à comprendre certaines choses. Et entre nous, je ne serais pas celle qui l'en blâmerait! Le contenu peut être parfois partial mais les adresses qui agrémentent la fin de chaque section sont très utiles pour celui ou celle qui aimerait en savoir un peu plus sur cet amalgame social qui tangue entre tradition et modernité, Occident et Orient.

Les remarques "pimentées" du genre le politiquement correct est à Beyrouth une notion aussi étrangère que les droits de l'homme dans une prison syrienne (p.28) ou encore La blondeur, cet idéal masculin dans une société où le vernis occidental sert de camouflage à la pression patriarcale, n'est pas un sujet de franche rigolade (p.32) sont vraiment hilares pour qui s'y retrouve. Evidemment, pour qui me connaît le portrait de ces pintades est trop loin de celle que je suis. En effet, je fait souvent un saut au supermarché en legging ou tenue de sport décontractée, je ne me maquille presque jamais et je n'ai jamais teint mes cheveux, malgré l'insistance de "mon" coiffeur depuis que j'ai plusieurs cheveux gris qui se profilent. Qui plus est, même adepte de l'épilation (c'est effectivement plus propre) je n'en abuse guère, d'autant plus que j'ai la peau sensible (et douce de toute façon). Alors pourquoi se torturer si cela n'est pas absolument nécessaire? Rien que d'y penser, j'ai envie d'un massage relaxant! Heureusement pour moi, c'est ma soeur, kiné professionnelle, qui s'occupe de moi, quand nos agendas ont la chance de concorder :)

Quant à la politique, thème bien épineux dans un petit pays à 18 communautés religieuses et presque autant de courants politiques -évidemment, il n'est pas question de parler de partis politiques à moins que népotisme et clientélisme en soient les composantes majeures-, c'est en son nom que la femme Libanaise ne peut pas transmettre sa nationalité par exemple. Ce sujet me tient particulièrement à coeur puisqu'il me touche aussi. N'est-ce pas injuste que je ne puisse pas transmettre ma nationalité à mes enfants alors que l'étrangère repêchée dans n'importe quel bar, elle, y a droit, puisque monsieur son mari peut lui donner sa nationalité après un an de mariage?! Le domaine politique brime l'émancipation des femmes de bien d'autres manières. En effet, en politique c'est presque toujours la femme, la soeur ou la fille d'un tel qui prend la relève. L'auteur note bien: Pour favoriser l'élection d'une femme dans les instances politiques du pays, [...] mieux vaut tuer son mari, son père, son frère. Vous êtes sûr de lui permettre d'accéder au pouvoir. Ce que Toufic Hindi [...] qualifie si joliment de "spermocratie" (p.79)

Et voilà que nous passons à la question délicate des amours. Et d'emblée un conseil de taille: Au Liban [...] il faut du bon gros Scud. Sortez les banderilles, le taureau s'attrape par les cornes. Et croyez-moi, cela n'a rien d'une image! [...] Oubliez tout ce que vous pensiez savoir. Le charme si subtil de nos marivaudages précieux, sauce française. Règle de base: on socialise à mort, quelles que soient les circonstances (pp. 126-127) Quelques pages plus loin: La société libanaise livre, en matière de sexe, un message paradoxal. Tout s'y vit à l'extrême. On passe du one night stand assumé à la vierge à épouser, (quitte à ce que ce soit la même: une opération chirurgicale et le miracle peut se produire). [...] Au Liban, quelle que soit la communauté, il est encore important que la femme garde sa virginité (pp.135-136). Il est pourtant logique dans ce cadre de se poser la question de savoir, si ces messieurs se doivent de collectionner les aventures, comment s'attendent-ils à épouser des vierges? Et pourquoi une femme, elle, n'est pas en droit de revendiquer un homme qui soit également vierge si elle l'est? Naturellement, ces comportements relèvent d'une éducation sexuelle ratée ou non existante. Ce ne sont pas les tabous religieux ou encore les films pornos qui vont remédier à ces lacunes et à une absence totale de compréhension de l'autre genre. "D'après les estimations mondiales, 40% des femmes simulent. Au Liban, aucun chiffre n'existe, mais c'est assurément beaucoup plus. On n'ose pas dire qu'on n'a pas de plaisir. L'homme est souvent aussi ignorant que la femme. Il ne sait pas ainsi qu'un orgasme s'extériorise, que des contractions interviennent... Il croit que cela se résume à hurler..."Alors hurlons donc, puisqu'ils en redemandent, mais pas de contentement! (p. 138) Et on se demande comment cela se fait que les gens soient frustrés sexuellement...

Au Liban, parler amour signifie d'une certaine manière à en venir au thème du mariage. De fait, dans la majorité des cas, pour s'émanciper et vivre une vie de couple, les Libanais se trouvent contraints de passer devant le curé ou le cheikh. Et de formaliser leur union par un contrat (p. 151) Seulement madame, le mariage chrétien n'est nullement un contrat. Même si certains aimeraient le considérer comme tel. Certaines communautés interdisent le divorce mais autorisent une séparation alors que d'autres permettent aux époux de divorcer dans certains cas particuliers. Au Liban, on apprend avant toute chose à vivre avec son statut personnel. Presque chacune des 18 communautés a ses avantages et, naturellement ses contraintes. [...] Mais à la multiplicité des communautés et, partant, la diversité des statuts personnels, permet aussi de contourner voire de transgresser ces règles, Quand on ne peut pas divorcer... il suffit de changer de religion! (p. 177) Et tout le tohu-bohu autour des wedding planners montre combien le mariage a été transformé en industrie. Une industrie qui rapporte beaucoup, toutes communautés confondues.

A peine marié, le couple doit affronter la question de la progéniture. Tout le monde risque de s'en mêler. Oui, oui. Tout le monde. Le voisin de palier. Les cousins, les tantes et toute la tribu. Car rien n'est jamais individuel au Liban. Et d'après l'auteur, une chose est fabuleuse au Liban. Etre maman. [...] Conseil donc à toutes: prenez votre congé maternité à Beyrouth. Vous y serez choyée, chouchoutée, vénérée. Car ce n'est pas seulement votre jules, qui, ici, vous regarde avec les yeux de l'amour [...] C'est toute la société. [...] Au Liban, la naissance est une fête. Pendant quarante jours, on visite la mère et son enfant pour la féliciter (pp. 182-184) Malheureusement, habituées à être assistées par les autres, certaines mères oublient de l'être. L'image de la bonne, toujours elle, portant le dernier chérubin dans les bras (plus quelques sacs de shopping) tandins que maman, l'officielle, la vraie, dodeline du popotin sur des talons échasses trois mètres devant, façon Rachida Dati [...] reste une image relativement courante (p. 187) Ces enfants grandiront avec une perspective faussée de la famille et finiront même parfois par appeler la nounou "maman". C'est bien elle, la nounou, qui soignera le bobo, nourrira et vêtira l'enfant. Car maman, elle, doit s'occuper de son apparence et redevenir désirable aux yeux de son mari. Souvent, il n'est donc pas question d'accoucher de manière naturelle (avec la césarienne, on peut également choisir une date de naissance facile à retenir) et encore moins d'allaiter. Pourtant, les récentes études scientifiques montrent à quel point l'allaitement est un moyen de prévenir le cancer du sein. A bon entendeur salut!

Donc, comme il se doit, et puisque maman étant souvent employée de nos jours, car les écoles privées et un certain standing de vie font que 2 salaires sont requis, une bonne est nécessaire pour tenir la maison. Le business est immensément lucratif pour les intermédiaires [...] Ces bonnes sont payées selon leur nationalité, en accord, d'ailleurs, avec leurs ambassades respectives. [...] Le système mercantile qui s'est mis en place autour des bonnes relève bien d'un nouveau marché aux esclaves. Mais les rapports qui s'instaurent entre employées et employeurs, bonnes étrangères et familles libanaises, sont bien plus compliqués. Ils tiennent souvent d'un rapport paternaliste où la bonne finit par faire partie de la famille (p. 211-212) Si je peux bien comprendre qu'on ait recours à une aide, car après une journée harassante au bureau, repriser les chaussettes, cuisiner pour la famille et ranger la maison est parfois au-dessus de nos forces, pourquoi abriter une étrangère chez soi? Je ne suis point raciste, loin de là. Mais je suis intimement persuadée qu'avec une bonne organisation, on peut se passer d'une domestique à domicile. Quitte à recruter une aide 2 à 3 fois par semaine pour avancer le gros de l'ouvrage. Ma mère nous a élevés à tous les 5, oui nous sommes cinq frères et soeurs, en travaillant tous les jours de 7 jusqu'à 13 heures. Bien sûr, sa mère venait s'installer chez nous pour de longs mois et papa l'aidait également. Ce qui prouve que si l'on est bien organisée, même en étant employée, et bien sûr en impliquant votre chère moitié, il est parfaitement possible de s'occuper de son ménage sans pour autant introduire une étrangère chez soi. Mais voilà, ça c'est moi. Je préfère faire moi-même certaines choses, car il serait trop compliqué d'expliquer à quelqu'un d'une autre culture ce que vous entendez faire dans telle ou telle situation. A ce sujet, j'ai bien une anecdote ou deux sur le problème de communication avec mes employés filippins, étant donné que j'ai vécu aux Philippines pendant près de 3 ans. Ce sera pour une autre fois.

Par ailleurs, le Moyen-Orient, le Liban en particulier, accorde une place privilégiée à la nourriture (p.226). Allez dire à tout Libanais qui se respecte que le tabboulé se vend en conserve ou encore que le hummus n'est pas libanais! Ô sacrilège! "Vivre n'est peut-être pas manger... Mais vivre au Liban est certainement déguster", explique Chérine Yazbeck, journaliste et auteur de plusieurs ouvrages présentant un autre Liban (p.228) La cuisine au Liban se veut en même temps un goût et une exigence. Il suffit de se réveiller aux aurores, quand les quartiers de Beyrouth dorment encore, pour assister à un étrange spectacle: la bataille du haricot (ou de l'aubergine, ou de la tomate) [...] Presque chaque matin, le ring est monté. La séance de catch peut commencer, avec le marchand de concombres et d'herbes fraîches du coin de la rue comme arbitre (p. 230) A moins de devenir l'habituée du marché du quartier et de se garantir ainsi des produits non fripés, même si l'on se pointe avec quelques heures de retards sur les autres dames ;) Ou encore de s'approvisionner en légumes et fruits dans son village natal. Ces produits "de terroir" sont très prisés. Surtout par des jeunes couples trentenaires, sensibilisés à l'écologie lors de leurs séjours à l'étranger et qui, depuis la naissance de leurs enfants, ne jurent plus que par l'étiquette 100% VRAI (p. 235-236) A mon avis, les étiquettes "bio" sont souvent du n'importe quoi. Juste un label de marketing pour vendre certains produits plus cher. Car comment des produits peuvent-ils être "bio" au Liban avec une agriculture sans régulation ni contrôle? Si le paysan X a un paysan Y pour voisin, qui utilise des pesticides et des engrais chimiques à tour de bras, comment peut-il produire des aliments "clean"? Nos terrains sont de dimensions trop réduites pour que cette pollution ne touche pas la nappe phréatique nécessaire à l'irrigation et d'ailleurs les abeilles et le vent, responsables de la pollinisation, ne connaissent pas les clôtures ;)

L'auteur passe ensuite à la jeunesse qu'elle qualifie de "dés-orientée", perdue entre les traditions des générations passées et une émancipation qu'elle voudrait atteindre. Mais comment s'affranchir du carcan des us et coutumes dans une société où le qu'en dira-t-on est un fardeau avec lequel il faut absolument compter? Les Libanaises, ou nombreuses d'entre elle, s'en donnent à coeur joie... au shopping. Difficile de dresser un portrait-robot de la Libanaise fashion victim. On trouve de tout dans les rues de Beyrouth. Depuis l'ultra-classique jupe secrétaire sur talons vertigineux jusqu'à la miss jean baskets "je m'en fous de comment je me sape" en passant par la frimeuse à marques. [...] Les choses se compliquent cependant assez vite. [...] Au Liban, il y a toujours un effet "milliards de zéros" derrière les premiers chiffres qui vous coupe l'élan compulsif. [...] Peu de dégriffés, pas de dépôts-ventes, encore moins de friperies [...] Pas seulement la mondialisation qui vous lamine l'élégance comme la crème 0% vous banalise la chantilly. Responsable aussi, un certain rapport à la fringue. Au Liban, ce n'est pas solo sa peau qu'on habille. C'est son glamour social qu'on met en jeu (pp. 277-278) Car à Beyrouth, il faut s'approvisionner auprès de certaines enseignes. Question de standing, d'hiérarchie sociale. Et de glamour bien sûr. Le Liban n'est pas le seul pays adepte du "toujours plus de paillettes" nouveau riche. [...] Simplement, à Beyrouth, le phénomène est d'autant plus visible que, même en matière de mode, les contrastes explosent entre une frange pauvre et fagotée de la population et les tunées de la haute. [...] Vous avez dit material girls? (p. 282) Les Libanaises sont peut-être victimes de la mode mais elles aiment se parer et bien se présenter. Ce n'est pas pour rien qu'elles sont réputées être les plus belles et les mieux habillées du Moyen-Orient. Ce n'est pas pour rien non plus que les femmes des pays avoisinnants viennent s'acheter chaussures, sacs et fringues à Beyrouth. Quand bien même ont-elles les mêmes marques et quelques fois les mêmes enseignes dans leurs villes d'origine (exemple Aïshti). Et n'oublions pas les grands couturiers Libanais tels Elie Saab, Zouhair Mrad our Rabih Keyrouz qui sont de renommée mondiale (et habillent depuis quelques années également des stars hollywoodiennes).

Ensuite une virée sur la "night-life" au Liban, souvent branchée et d'ailleurs de renommée mondiale, si l'on en croit un article du New York Times. Alors comment faire bonne figure dans ces endroits publics si l'on ne vit pas sa vie à fond avant d'atteindre les 35 ans? Car sur cette rive de la Méditerranée, les femmes vieillissent plus vite que les hommes. [...] la ménopause n'a qu'une incidence extrêmement limitée. L'âge n'a rien à voir là-dedans. C'est bien plus pernicieux: c'est le regard de la société, de l'homme libanais, à ce point intériorisé, que tout le monde finit par croire qu'il s'agit là d'une vérité inscrite dans le Livre (pp. 375-376) Pas étonnant donc que les Libanaises sont devenues adonnées à la chirurgie plastique, tellement qu'en fin de compte on se demande parfois si des clones ont été lâchés dans les rues ou encore comment de telles beautés peuvent engendrer des rejetons aussi repoussants ? :s C'est vrai que certaines (et certains) sont plutôt accros du sport dans les clubs de gyms et que d'autres pratiquent le jogging sur la Corniche. Mais installez-vous en observateur et vous verrez que ce qui attire les Beyrouthins le long de ce rivage un rien bétonné et sale (hélas), aux airs d'Emirats désormais avec ses palmiers et les tours en forme de voilure de la marina au loin, c'est qu'il offre un concentré de la ville. Les extrêmes se côtoient, de la miss sublime sur talons strassés mais emberlificotée dans son hijab noir à la bomba obscène au corps exposé... Beyrouth dans toutes ses contradictions (p.393)

J'ai lu le livre d'une traite et comme j'ai aimé la manière d'aborder un sujet à facettes aussi multiples que variées, je suis tout de suite allée voir le site web pour voir quelles autres pintades ont fait l'objet d'écrits. Il s'est avéré que je suis curieuse d'en apprendre plus sur les pintades de Berlin -normal ayant vécu en Allemagne presque toute mon adolescence-, celles de Téhéran, de New York ou encore de Londres. Malheureusement, je n'ai jamais été en Iran. Cette destination est en haut de ma liste d'endroits à visiter absolument. Quant à New York et Londres, ben, disons simplement que j'aime beaucoup ces villes qui ont beaucoup de similitudes mais sont tellement différentes...

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